Le cancer : mais au fait, qu'est-ce que c'est, Jamy ?
- Isa
- 12 oct.
- 7 min de lecture
Dernière mise à jour : il y a 2 jours
Selon Wikipedia, le cancer est l'ensemble des maladies provoquées par la transformation de cellules qui deviennent anormales et prolifèrent de façon excessive. Hum?!? alors si je comprends bien, c'est comme une gigantesque rave party avec des gens défoncés qui sautent dans tous les sens ou bien alors le bal musette du village avec des gens du coin ivres morts qui rigolent et pleurnichent pour rien, finissant par vomir dans la sciure. Ou peut-être encore des métalleux rageux pogotant dans les arènes du Hellfest, pinte de bière à la main, criant au désordre et au chaos ? C'est bien ça, Jamy ? Ben oui, c'est pourtant pas sorcier. Ah ouais! C'est festif en tout cas mais gare au mal de crâne du lendemain! En deux mots : "c'est le bordel!"
Bon je vous passe les détails scientifiques de ce qu'est le cancer parce que je ne suis pas docteur. L'école c'était vraiment pas mon truc. Il n'est pas question non plus d'interprétation psychologique anxiogène et finalement culpabilisante. Une interprétation reste juste une interprétation parmi 8 milliards d'autres...et oui, un peu plus de 8 milliards d'interprétations différentes potentielles sur terre, et ceci sans compter les combinaisons possibles. Cela a de quoi donner le tourni.......les cheveux m'en tombent (et ça c'est du concret à ce jour, OMG!).
Restons plutôt dans la réalité concrète, c'est là où finalement je me sens le mieux même si elle est douloureuse. A vrai dire, elle est autant douloureuse que belle. Il n'y a pas à choisir entre les deux, puisqu'elle est les deux en même temps.
Dans ma réalité concrète, si je devais définir le cancer en deux mots, ça serait comme je l'ai déjà mentionné plus haut : "c'est le bordel!". Et oui, c'est le bordel à l'intérieur de moi, à l'extérieur de moi. Il n'y a pas d'autres mots plus descriptifs. Un désordre permanent où plus rien n'est comme avant. Mes petites habitudes et routines quotidiennes, mon métro-boulot-dodo balayés d'un revers de main et transformés en dodo-chimio-dodo, mes capacités physiques jetées en pâture au loup, mon corps physique qui se dégrade à la façon "moi, moche et malade". Epargnez-moi s'il-vous-plait vos "mais moi, je te trouve trop belle" ou encore "ce qui compte, c'est la beauté intérieure". Cela reste un mensonge....un "petit mensonge entre amis" parfaitement honorable, je vous l'accorde et si profondément humain. Mais ne nous méprisons pas, le cancer et ses traitements ne me rendent ni belle ni attrayante ni enviable ni forte d'ailleurs et encore moins admirable. Tout devient sec, terne et cassant....mes cheveux, ma peau, ma voix, mes ongles, mes ambitions, mes envies, mes états d'esprit, mes journées, mes nuits, ma vie. Les traitements c'est super car ça me permet peut-être d'éradiquer le cancer et de vivre plus longtemps, mais en même temps ça fout encore plus le bordel dans mon corps déjà fragilisé. La médecine conventionnelle éradique la maladie en provoquant d'autres maux.... Quel paradoxe, n'est-ce pas ? La bonne nouvelle est qu'il existe des alternatives pour pallier à cette cascade de maux découlant de cette envie de vivre....et oui, rien de mieux qu'une bonne crème Bépanth**** pour soulager les irritations du trou de balle et je vous promets que quand j'en mets, c'est presque orgasmique....Il ne me faut pas grand chose pour apprécier la simplicité de la vie. Et en plus c'est remboursé par l'assurance maladie. Que demander de plus ?
Sans oublier, le bordel mental et émotionnel que le cancer et ses traitements engendrent. En ce qui me concerne, c'est un brouillard mental qui s'installe et ne me quitte plus. Un état permanent dans une bulle qui me sort de la réalité. Je vois la réalité du monde décalée de ma réalité. Je suis sur le fauteuil du cinéma tout le temps et en même temps l'actrice principale du film. Je ne pourrais pas vous décrire avec des mots cette sensation d'être simultanément actrice et spectatrice de ma vie. C'est pas désagréable en tout cas, du moins pas tout le temps. Bien entendu, ma réalité fait mal quand elle fait mal et est douce et légère quand elle l'est. J'accepte les conditions et je prends tout. Devenir anormale et excessive comme ces petites cellules cancéreuses de la définition académique. C'est littéralement ce qu'il se passe dans mon corps physique et psychique. Un agacement pour un rien, un rire pour un rien, une imagination débordante, des pensées délirantes, des rêves agités la nuit, des pleurs sans raison, de l'ennui en n'en plus finir, des peurs irrationnelles et tellement justifiées, une colère décuplée et absurde parce que ma machine à café ne veut pas fonctionner, des moqueries spontanées parfois blessantes, une désinhibition marquée, etc... Je commence à vivre gentiment mes états excessifs en ne les rendant ni agréables ni désagréables mais plutôt faisant partie du jeu.
Pour être honnête et vous l'aurez bien compris, tous ces états excessifs étaient bel et bien présents en moi déjà avant la maladie et les traitements. Certes amoindris, sous-jacents, cachés voire complètement occultés, mais bel et bien là. Le cancer et ses traitements ne font que les mettre en surface et les rendre plus visibles. "Bon, j'ai une bonne excuse, j'ai un cancer, non ? N'est-ce pas, Jamy ?" "Mais bien entendu Isabelle, t'es surtout en train de retomber dans tes travers!" Oupsss......j'ai déjà oublié. Plus d'excuse maintenant.... c'est pas sorcier tout de même ! Je ferai mieux la prochaine fois.
Un de mes voisins m'a dit lorsque je lui ai dit que le cancer était revenu et que j'allais commencer de la chimiothérapie : "ah, c'est le début des problèmes". Et ensuite, il s'est barré chez lui. Quelle finesse! Je ne peux pas lui en vouloir, c'est sa façon de voir la chose et ça lui appartient. Il n'a en même temps ni tort ni raison comme chacun de nous peut importe les situations de vie, les choix, les difficultés, les expériences. Chacun prend les choses comme il le veut et c'est bien. Je ne suis personne pour dire qu'il a eu tort ou raison. Pour moi, le cancer n'est pas un problème à résoudre mais plutôt un changement à vivre. Assez radical comme changement, je l'avoue. Hormis les changements physiques et psychologiques, ce sont les priorités qui changent en commençant par moi-même. Je deviens la N°1 de ma vie. Egoïstement, je suis ma priorité sans oublier l'autre qui compte évidemment aussi mais qui passera loin derrière compte tenu de l'urgence de la situation. C'est maintenant et pas demain. Pendant longtemps, j'ai fait passer l'autre avant moi pour être aimée et appréciée. J'ai fait passer les besoins de l'autre avant les miens et j'ai bien constaté que cela ne fonctionnait absolument pas du tout. Cette façon de penser et d'être a été plutôt délétère dans toutes mes relations. Aujourd'hui, c'est différent. Le cancer me demande d'accorder de l'importance là où je peux. Il ne s'agit pas de contrôler ma vie comme je le veux mais bien de vivre comme je le peux. Ce n'est pas pareil du tout. Cela requiert beaucoup de patience, d'honnêteté, de douceur et d'abnégation. Il m'a fallu quand même des rechutes pour m'accorder cette importance à laquelle j'ai droit. Quand je parle d'importance, ce n'est pas dans le sens qu'il faut briller en société, être au centre ou au devant de la scène ou encore être dans la lumière ou la plus belle version de moi-même. Ça c'est un concept qui me dérange et qui ne sonne plus très juste aujourd'hui. Non, quand je parle d'importance, je fais référence à ce qui me porte. Personne d'autre que moi ne me portera dans ma vie à partir du moment où je suis née. Cela mériterait quand même d'y mettre une attention particulière et d'en prendre soin. Ce qui me porte devient alors ma priorité. Et si par exemple acheter une belle bagnole et une grande villa me porte, alors go on n'y va...et pourquoi pas finalement si j'en ai l'occasion et la possibilité. Tout comme aider sa voisine âgée, et écrire ce blog. Ou encore si l'importance du moment est de glander toute la journée ou insulter le conducteur qui me fait une queue de poisson, mais allons-y et en coeur s'il-te-plait. Il n'y a pas de différence pour moi. Je m'accorde l'importance dont j'ai droit, la vie est bien assez difficile comme ça.
J'accorde également plus d'importance à certaines banalités extérieures auxquelles je n'y prêtais même plus d'attention avant la maladie. Me lever le matin sans réveil, sans projet si ce n'est celui de sortir de son lit, savourer un bon café les moments où il n'est pas altéré par ce goût de métal dans ma bouche, préparer un bon repas sans devoir s'assoir entre deux légumes coupés, prendre le temps de s'assoir entre deux légumes coupés libérée des obligations de faire vite, prendre une douche chaude quand ça m'enchante, ne pas la prendre parce que je m'en fous si je pue, me balader 30 minutes quand mon souffle le permet, sinon ça sera 5 minutes ou pas du tout, un appel téléphonique de ma grand-mère, etc...Ces banalités sont multiples et partout, tout le temps. Et pourtant je ne les voyais pas auparavant ou pire je ne les aimais pas parce que je ne leur accordais aucune importance. Ce n'était pas ma priorité. Aujourd'hui, c'est différent. Ces banalités que je n'aimais pas sont devenues précieuses. Elles restent des banalités mais des banalités un peu plus extraordinaires. Elles sont devenues mes alliées pour passer plus sereinement ce passage difficile de ma vie. Bien sûr qu'à un moment donné, lors de l'après-maladie, je les mettrai un peu de côté mais je ne les oublierai pas. Et le cancer, cher Jamy, c'est tout ça aussi.
J'en suis à ma 2ème chimio, la 3ème séance est prévue pour le 15.10.2025 et ma priorité du jour : moi-même parce que je le vaux bien, me tenir debout plus de 20 minutes, écouter un morceau d'AC/DC et pester contre mon voisin évidemment. Ah oui, j'allais oublier le plus important : ma crème Bépanth*** bien sûr.
Et vous, quelles sont vos priorités aujourd'hui ?





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