Le petit grain de sable : une entrave ou un gain en maturité ?
- Isa
- 27 sept.
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : il y a 1 jour
A cette question, je répondrai les deux. Le petit grain de sable dont je parle c'est celui qui vient entraver ma petite vie bien tranquille, lisse, propre, rangée et surtout ma petite vie idéalisée dont je veux absolument prendre le contrôle. Le problème, c'est que rien n'est contrôlable ni idéalisable ni même ajustable. Cela s'appelle le phantasme tout simplement. A vrai dire, ça peut être même ennuyant. En Islande, il y a un endroit au doux nom de "Jökulsàrlon" qui est une lagune glaciaire et dont le détachement de ses icebergs et sa glace vient se déposer sur une plage et dans l'océan. Cette plage est grandiose et sans doute la plus belle sur laquelle j'ai pu fouler dans ma vie car son sable volcanique est noir et des petites formations de glace s'y disposent tels des diamants formant de somptueuses sculptures. Cette plage est d'ailleurs appelée "Diamond beach" pour les gens comme moi. Pour les plus érudits, en islandais, il s'agit de la Breiðamerkursandur. Bon, j'en conviens que le nom est nettement moins vendeur. L'islandais est un langage à part, illisible, incompréhensible et imprononçable. Pourtant, en y regardant de plus près, ce langage n'est pas si compliqué que cela. Bref, pour revenir à cette plage de sable parsemée de diamants, il y a une seule chose d'indéniable : ces diamants de glace vont fondre et disparaitre tôt ou tard et il ne restera plus que le sable. Et bien dans la vie c'est pareil, et je ne peux rien y faire. Les moments de bonheur, de joie, d'illusion que je "contrôle la situation" mais aussi les moments de peur, de douleur, de colère sont juste de passage, disparaitront puis reviendront et ainsi de suite.... Vouloir les contenir et les retenir, c'est souffrir et je parle aussi des moments bienheureux. Et oui, la réalité de la vie ou le petit grain de sable vient tout balayer d'un coup et sans préavis de 3 mois....Ah merde ça marche pas comme ça, pas de convention prédéfinie pour cela. Oupsss!!! Mais alors que faire ? Ben, rien si ce n'est se remettre en question et ouvrir son champ de vision. C'est déjà un bon de point de départ vers ce gain en maturité.
Dans le cadre de la maladie comme le cancer, toute autre maladie sérieuse ou également d'expériences de vie lourdes et intenses, ce petit grain de sable m'a effectivement fait gagner en maturité. Bon dans mon cas, ce petit grain de sable ressemblait plutôt à une grosse patate pourrie....Je préfère le terme de gain en maturité plutôt que de développement personnel car en réalité je n'ai rien de plus que les autres, je ne suis pas mieux que les autres, pas plus développée ou épanouie non plus.....Ça serait présomptueux de ma part de le penser et de me mettre au-dessus des autres. Simplement, j'ai plutôt ouvert d'autres perspectives et ça s'arrête là. Beaucoup de gens me disent : "Bravo Isabelle pour ta résilience!" Bravo pour ton courage, ta force" ou encore "t'es une battante!". Mais ça c'est seulement la face de la pièce que je veux bien vous montrer, celle du contrôle évidemment. Parce que "ça fait bien!". Ça me fout même parfois un peu la nausée de recevoir ce genre de compliments mielleux. Si vous saviez à quel point cette face qui veut tout contrôler est exténuante et finalement dénuée de sens. Tous ces mots comme force, se battre, combattre, résilience, me ramènent à la guerre et le combat est éreintant. Ne plus vouloir être en guerre contre "x" est peut-être aujourd'hui le bénéfice obtenu de ces petits grains de sable, l'autre face de la pièce. Hurler et pleurer quand ça fait mal, rire de moi-même quand ça passe et vivre la vie comme elle se propose sans vouloir la changer.
Hier, était une journée particulière pour moi et un cap nouveau à franchir : j'ai eu la pose du PAC (Porth-à-Cath) et ma première chimiothérapie tellement redoutée. Le grain de sable c'était même plus une grosse patate mais la face nord de l'Everest, insurmontable dans mon imagination. Pour la petite histoire, je vous ai déjà menti. Sur le premier post "Pourquoi ce blog?", j'avais inscrit que le 1ère chimio et la pose du PAC était pour le 12.09.2025. Mais que dalle, encore un coup de poker du petit grain de sable qui est venu m'emmerder. Cette fois-ci, c'était un problème dentaire à régler avant de commencer la chimiothérapie. Putain, qu'est- ce qu'il est vraiment chiant celui-là !?!
La pose du PAC et la 1ère chimiothérapie est une étape clé car elles signent le début de quelque chose d'autre. Le cancer avait déjà été diagnostiqué depuis quelques années pour moi et j'avais essayé d'autres alternatives plus acceptables et plus douces pour moi en impliquant uniquement la médecine dite "naturelle". Cela n'a pas du tout fonctionné sur moi. Donc, l'étape suivante a été l'hormonothérapie que je sentais comme moins invalidante. Mais voilà, cette alternative est arrivée à sa limite et le cancer a repris le dessus. D'ailleurs, en y repensant aujourd'hui et en l'ayant expérimenté, cette méthode que j'ai choisie n'a pas forcément été moins invalidante. Les dames en ménopause, préménopause et également aussi les hommes en andropause (on les oublie souvent) savent de quoi je parle. Évidemment, comme je suis une femme, je n'ai pas eu de problème érectile mais par contre une humeur de chien régulièrement, des fesses qui s'affaissent, des nuits à changer les draps à 3h00 du mat, un début d'ostéoporose (à 48 ans c'est quand même bien tôt) et un avenir très réjouissant. Avec le temps, par contre, ces symptômes se sont quand même bien améliorés. Ne perdez donc pas espoir.
Pour revenir à la pose du PAC et la 1ère chimio, c'est un passage important et douloureux à vivre. Un passage marqué au fer rouge pour moi. La présence du PAC qui me rappelle chaque jour comme un tatouage sous ma peau ce que je vis et en même temps la 1ère chimio qui m'indique vers quoi je vais sans savoir où. Et finalement, c'est pas si terrible que cela de vouloir vivre et d'autant plus un jour après l'autre et à un rythme différent. Je vais donc laisser les théories conspirationnistes à d'autres....
Alors à la question "Comment ça va?", je vais vous répondre "Et vous?"





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